La police de Dallas a utilisé, pour la première fois, un robot pour tuer un suspect
Les experts estiment que l'utilisation de robots pour tuer des suspects risque de se développer.
Le choix de la police de Dallas d'envoyer un
robot télécommandé pour tuer
l'homme suspecté
d'avoir abattu plusieurs policiers marque une première pour les forces de l'ordre américaines et témoigne d'un usage qui devrait aller en se développant, selon des experts.
A l'aube vendredi, un sniper suspecté
d'avoir tiré sur des policiers
et retranché depuis des heures dans un bâtiment est finalement tué par un robot
télécommandé, utilisé pour faire détoner une bombe.
Micah Johnson, jeune Noir de 25 ans, avait dit aux policiers que des explosifs avaient été disposés "partout" dans le centre-ville de cette ville texane. "Les négociations ont été rompues. Nous avons eu un échange de tirs avec le suspect", toute autre option qu'une explosion télécommandée pour neutraliser Micah Johnson "aurait fait courir un grand danger aux policiers", a expliqué le chef de la police de Dallas, David Brown, sans donner plus de précisions sur l'engin utilisé.
Contrer des véhicules piégés
L'inventaire de l'équipement des services d'urgence de la ville montre en effet qu'ils disposent d'un
robot Northrop Grumman Andros, conçu pour les équipes de démineurs et l'armée, que l'on peut configurer de différentes manières. Ce
robot
est "conçu pour contrer un large éventail de menaces, dont des véhicules piégés", selon le site de Northrop. Selon des médias américains, cet engin a pu être employé dans l'opération de Dallas.
Jusqu'ici ce genre de robot monté sur chenilles permettait surtout de distribuer des choses à des suspects, de distraire ou de communiquer. L'un d'eux avait
servi une pizza à un homme suicidaire
qui menaçait de se jeter du pont San José en Californie. En novembre 2014, la police d'Albuquerque avait utilisé un robot qui a déployé des munitions chimiques dans une chambre d'hôtel où était retranché un homme armé.
Dans le cas où un homme représente une menace, la police américaine, déploie d'habitude une équipe de snipers et attendent que le suspect sorte de sa cache.
"C'est la première fois qu'un
robot
est utilisé de cette façon par la police", a assuré sur Twitter Peter Singer, de la fondation New America, un groupe de réflexion spécialisé notamment dans les questions de sécurité.
Inquiétudes
Dans l'armée américaine, les
robots terrestres transforment le visage de la guerre depuis plusieurs années déjà. Ils sont notamment capables de récupérer et désactiver une charge explosive, à l'aide d'un bras téléguidé par des soldats restés à l'abri du danger.
Le robot Marcbot par exemple a été employé pour envoyer des charges explosives par les troupes en Irak.
Ils semblent voués à être désormais de plus en plus employés par les forces de l'ordre que ces dernières rachètent au Pentagone. L'administration Obama a estimé qu'elle n'empêcherait pas l'armée américaine de vendre ces armements car elles renforcent la sécurité de la police locale.
"Dans une guerre, l'objectif est de tuer, faire appliquer la loi, c'est une mission différente",
s'inquiète dans le "New York Times", Rick Nelson, ancien responsable du contre-terrorisme au "National Security Council".
L'ONG
Human Rights Watch
et l'organisation International Human Rights Clinic, qui dépend de l'université de Harvard, s'inquiétaient
ainsi dès 2014 du recours aux robots par les forces de l'ordre.
Ces engins "ne sont pas dotés de qualités humaines, telles que le jugement et l'empathie, qui permettent à la police d'éviter de tuer illégalement dans des situations inattendues", écrivaient-elles dans un rapport. En juillet 2015, plus de 1.000 chercheurs et personnalités, dont Stephen Hawking et Elon Musk, ont signé
une lettre ouverte
où ils appellent à l'arrêt du développement de ces "robots tueurs".
Outre les raisons pratiques invoquées, il existe une faille judiciaire : qui est responsable, en cas de dommages collatéraux ?
Aussi, Matt Blaze, professeur d'informatique à l'université de Pennsylvanie a souligné sur Twitter que "les enjeux prennent une toute autre dimension quand quelque chose comme ça est transformé en arme".
Il souligne que les protocoles sans fil peuvent être facilement interceptés ou modifiés par des pirates qualifiés.
Un futur Robocop ?
Ces inquiétudes n'ont pas empêché le développement de ces nouvelles technologies. En Chine, l'université de la défense nationale a conçu un appareil baptisé "AnBot", destiné à avoir "un rôle important à jouer pour renforcer les mesures antiterroristes et anti-émeutes", écrit-elle sur son site.
"La caractéristique la plus controversée d'AnBot est bien sûr son 'outil intégré anti-émeute électrisé' (ressemblant certainement à un Taser ou à un aiguillon pour bétail). Il ne peut être déclenché que par les humains contrôlant Anbot à distance", écrivaient Peter Singer avec un autre spécialiste Jeffrey Lin en avril dans le magazine américain "Popular Science".
"Le fait qu'Anbot soit si grand veut dire qu'il a la place d'intégrer d'autres équipements de police, comme des gaz lacrymogènes et d'autres armes moins létales", poursuivaient les auteurs.
Des chercheurs de l'université de Floride travaillent eux au développement de "Telebot", comparé dans certains articles au célèbre "Robocop" imaginé au cinéma.
Destiné notamment à assister des policiers handicapés pour qu'ils puissent reprendre le service, Telebot a été conçu "pour avoir l'air intimidant et assez autoritaire pour que les citoyens obéissent à ses ordres" tout un gardant "une apparence amicale" qui rassurent "les citoyens de tous âges", selon un rapport d'étudiants de l'université de Floride.