Politique belliciste et ethnocratie constitutionnelle au Danemark
Par Carsten Juhl
Les années 2001‐2009 furent notoirement la période des politiques voyous, méta‐ et contre‐voyous. Nous en avons vécu cet hiver un après‐coup important, avec d’un côté le rapport sénatorial sur la torture de la CIA et de l’autre l’affaire Charlie Hebdo à Paris. Dans cette période, un certain nombre de gouvernements européens ont choisi de participer activement à la politique de guerre de l’administration George Walker Bush. Ainsi, jeudi 30 janvier 2003, on lisait dans le quotidien conservateur de Copenhague, le Berlingske Tidende, l’appel à soutenir la politique américaine après le 11 Septembre, dit appel « of the willing ». Les « willing » étaient une coalition de sept Premiers Ministres européens – Silvio Berlusconi (Italie), Tony Blair (UK), José Maria Aznar (Espagne), José‐Manuel Barroso (Portugal), Peter Medgyessy (Hongrie), Leszek Miller (Pologne, un des pays qui a par la suite abrité les centres de torture de la CIA) et Anders Fogh Rasmussen, le premier ministre du Danemark de 2001 à 2009 et futur secrétaire général de l’OTAN. Il faut avoir ce contexte en tête si l’on veut comprendre le sens politique de l’affaire des caricatures de 2005 publiées par le quotidien d’extrême droite Jyllands‐Posten, deuxième quotidien danois après Politiken, et par ailleurs très proche dudit Fogh Rasmussen.
Pour saisir la politique du Jyllands‐Posten, il faut remonter à l’Entre-deux-guerres. À l’époque, il est rédigé par son copropriétaire, Hans Hansen (1879‐1956), le rédacteur en chef le plus antisémite de la presse danoise en dehors des journaux ouvertement affiliés au Parti National‐Socialiste Ouvrier du Danemark. C’était donc dans les articles de fond du Jyllands‐Posten que l’on proposait le genre de « solutions au problème juif » typiques d’une partie de la presse européenne des années 1930, de la simple stigmatisation jusqu’à l’expulsion pure et simple. Pendant la première phase de l’occupation allemande du Danemark – à savoir du 9 avril 1940 jusqu’à la fin du mois de novembre de la même année – le Jyllands‐Posten se fit le champion d’une option nationaliste et autoritaire de type pétainiste au Danemark. Ce fut la période plutôt brève, où Hitler et les Japonais envisageaient d’inclure Staline dans leur alliance, avant qu’il ne soit clair que les intérêts russes et allemands ne concordaient absolument pas quant au futur des Balkans. Puis vint le temps de « l’exception danoise » (1942‐ 1943) avec le maintien d’une démocratie parlementaire collaborant économiquement avec le Reich, et de l’organisation officielle et légale de la part de ce même pays du Frikorps Danmark, le corps franc danois qui combattit aux côtés des Allemands sur le front russe. À l’approche de la défaite de l’Axe, il en advint du Jyllands‐Posten comme de tout le reste de la Collaboration : elle se réorienta en 1944 et passa d’une politique philofasciste à une politique bien‐pensante, puis de Guerre Froide.
En bref : si Charlie Hebdo en France ou Il Male (1977-1982) en Italie ont eu un temps partie liée, du côté de la satire radicale, avec l’esprit de Mai ou celui de l’Autonomia, le Jyllands‐Posten se trouve absolument à leur antipode.
Mais revenons à la guerre, celle qui mena une coalition d’États à envahir sous bannière américaine l’Irak le 20 mars 2003. La décision de participation danoise, votée au parlement le 21 mars par 61 voix contre 50, avec 68 députés s’abstenant courageusement par leur absence, a été précédée par deux campagnes anti‐arabes de la part du Jyllands‐Posten : la première visait, à la suite du 11 Septembre, les immigrés venant du Moyen-Orient et vivant au Danemark, campagne qui les montrait du doigt comme parasites et déloyaux ; la seconde fut une campagne « guerrière » et fanatiquement anti‐Bagdad, faite pour appuyer la politique belliciste de Fogh Rasmussen. En effet, pour la première fois dans son histoire de membre des Nations Unies, le Danemark alla contre l’avis du Conseil de sécurité en appuyant la politique de George Walker Bush et en adoptant les mêmes motivations : la présence d’Al‐Qaïda et d’armes chimiques en Irak. Le Jyllands‐ Posten était alors le porte‐parole médiatique de cet engagement, de concert avec les entreprises ayant des vues intéressées sur les richesses pétrolières irakiennes. Au fur et à mesure que la guerre avança, il devint évident non seulement qu’il n’y avait en Irak ni armes chimiques ni agents d’Al‐Qaïda, mais que les partenaires militaires de l’administration Bush, notamment le Royaume-Uni, l’Italie ou le Danemark, ne seraient pas invités au banquet de la spoliation générale des richesses du pays conquis. Après les élections danoises de février 2005, qui donnèrent à nouveau une majorité au gouvernement sortant de Fogh Rasmussen, il fallait renoncer à la participation danoise à cette guerre, retirer les soldats d’Irak et reformuler les raisons de cet engagement désormais clairement destructeur pour l’opinion publique ; et ce pas seulement sur le continent européen, mais même au Danemark.
Le Jyllands‐Posten refit son numéro de 1944‐1945 : de guerrier et agressif, il redevint bien‐pensant, disant en substance « En fait, même s’il n’y avait pas d’armes chimiques ou d’agents de Ben Laden en Irak, et même si les partisans de Saddam Hussein sont vaincus depuis belle lurette, il faut bien reconnaître que ces musulmans sont fort fermés sur eux-mêmes. Ils n’aiment pas les dessins qui représentent le prophète et surtout pas les dessins satiriques... En vérité, nous avons envahi l’Irak pour cela : pour leur ouvrir l’esprit, leur faire comprendre le sens de la dérision, de l’auto-ironie quitte à aller jusqu’au blasphème. Mais chose plus inquiétante encore : paraîtrait-il qu’il serait difficile de trouver des dessinateurs au Danemark prêts à se moquer des croyances des musulmans... » Et cela était vrai : au milieu d’une guerre néfaste, rapace et destructrice, aucun des dessinateurs des grands quotidiens de Copenhague n’avait le cœur à participer au travail de propagande en livrant des caricatures de guerre, jugeant qu’il n’était pas opportun de se moquer des habitants des villes bombardés, ni même de leurs croyances.
Pour comprendre quelle était l’ambiance politique d’alors au Danemark, il faut préciser que le gouvernement de Fogh Rasmussen, réélu encore pour un troisième mandat en novembre 2007, était composé de deux partis : le parti de Fogh Rasmussen, Venstre, le parti libéral du Danemark , et le parti conservateur, Det konservative Folkeparti, en perte de vitesse depuis plus de 20 ans, mais le parti « bourgeois » dominant dans les années 1980 (dans les gouvernements de Fogh Rasmussen, ce parti n’a jamais été qu’une succursale de Venstre). Mais pendant tout son règne, Fogh Rasmussen et son gouvernement eurent la constant soutien parlementaire du Parti du peuple danois, le Dansk Folkeparti. Un accord très simple les a uni pendant ces 8 ans : Venstre menait la politique économique et militaire, alors que le Dansk Folkeparti devenait le garant quasi‐officiel de la « cohésion » (sammenhængskraft) ethnocratique du pays, une « cohésion » toute en négatif : il fallait arrêter l’immigration, réduire drastiquement le nombre des demandeurs d’asile en assurant leur prompte éviction du territoire et rendre pratiquement impossible l’obtention de la nationalité danoise.
Mais un des rédacteurs du Jyllands‐Posten, Flemming Rose, persistait : si les dessinateurs s’abstenaient sur l’islam, c’est qu’ils étaient intimidés par lui et pratiquaient l’autocensure. Il parvint finalement à se faire fabriquer 12 dessins « satyriques », que le Jyllands‐Posten publia fin septembre 2005. Les dessins étaient bien sûr très mauvais, sans idée ni originalité dans le geste artistique et avec des lignes et des figures d’une pauvreté ahurissante. Mais côté discours, ils y allaient fort, tellement fort que cela puait la manipulation et l’hypocrisie de tous côtés. D’autant que le Jyllands‐Posten n’avait jamais dans toute son histoire publié une seule caricature visant la monarchie danoise ou l’église luthérienne. Sa politique a toujours relevé du fondamentalisme ethnocratique propre à la théocratie locale. Je m’en expliquerai plus loin.
Cette dimension d’hypocrisie n’a malheureusement pas dépassé les frontières du royaume. En revanche, les dessins du Jyllands‐Posten sont arrivés, eux, jusqu’au Moyen Orient en moins d’un an. Le reste est bien connu, je pense : les ambassadeurs des pays arabes à Copenhague ont demandé à s’en entretenir avec le premier ministre Fogh Rasmussen, qui le leur refusa, puisque un tel entretien pouvait faire de l’ombre à la « liberté de la presse ». La presse danoise sembla alors d’une grande faiblesse : quand il faut qu’elle s’occupe vraiment des questions du Moyen Orient, apparemment il lui suffit d’un rien pour qu’elle s’efface...
Il faut une connaissance intime du Danemark pour saisir quoi il retourne au fond dans cette affaire : un conflit infrathéocratique, dans lequel la constitution danoise joue un rôle capital. En effet, la dernière version de celle-ci, qui abolissait en 1953 le bicamérisme du Parlement danois, se fait fort de séparer les pouvoirs repartis classiquement en trois, législatif, exécutif et judiciaire. Le pouvoir législatif revient au Parlement et au roi réunis, le pouvoir exécutif revient au roi seul et le pouvoir judiciaire aux tribunaux. Cependant, il faut à tout cela une courroie de transmission : ce sera l’église « du peuple », la folkekirke. Selon la constitution, la folkekirke doit être évangélique et luthérienne. Le §4 de la constitution affirme : « L’église évangélique‐luthérienne est la folkekirke danoise, et en tant que telle elle est soutenue par l’État. » Ainsi l’église doit être danoise et du peuple selon cette constitution, ce qui veut tout simplement dire ethnique. Le §66 affirme en une seule phrase que « La constitution de la folkekirke est organisée/ordonnée (ordnes) par la loi. » C’est donc l’État qui « soutient » et « ordonne » l’église, et pas le contraire comme dans les théocraties fusionnelles (le Vatican, l’Iran ou Israël). La folkekirke n’a pas d’archevêque. C’est le ministre de l’église qui en est le chef politique. Les évêques sont seulement des guides en matière de foi. Le Vatican et le monde entier ont pu faire l’expérience récemment d’où se trouve le pouvoir dans cette église : à l’occasion des funérailles de pape Wojtyla, le Vatican avait demandé à l’État danois d’envoyer une représentation de trois personnes. L’État se fit représenter par la reine, le prince consort et le premier ministre Fogh Rasmussen : pas d’évêque ni même de ministre de l’église ! Quelques évêques ont mollement protesté, mais au fond ils acceptent leur rôle subalterne dans la théocratie danoise. Cela dit, selon le §6 : « Le roi doit appartenir à l’église évangélique‐luthérienne. » Ainsi, une certaine circularité entre pouvoir législatif et pouvoir exécutif est assurée ; et ce qui circule est la religion luthérienne, danoise et populaire, espèce de colle ethno‐politique se confirmant toute seule dans son autorité théocratique. Le §2 de la constitution danoise résume cette construction de la façon suivante : « La forme de gouvernement est monarchique limitée », « indskrænket‐monarkisk » – la constitution danoise ne se privant pas de traits d’union. Ce qui y est « limité » ou réduit, c’est évidemment toute idée « républicaine », ce dont les Français de l’après-Charlie n’ont pas semblé prompts à s’offusquer.
Il y a deux courants importants dans le protestantisme historique, les deux se basant sur un déterminisme théologique des conditions fatales : la prédestination. Mais l’un est économique et accumulateur, donc aussi classiste et bourgeois avec tout ce que cela implique de républicanisme possible, c’est celui qui s’inspire de Calvin. L’autre est plus politique, étatiste et ethnocentrique, c’est celui qui s’inspire de Luther.
Et la place de l’image et de la caricature dans tout cela ? Elle est de nos jours « libre », « ouverte », « expressionniste » à plaisir, et volontiers gemütlich dans ses connotations discursives. Mais cela n’a pas toujours été le cas, et il faudrait en écrire une histoire critique et une histoire qui pourrait être longue depuis la Réforme. En effet, il y a une tension dans la Réforme entre caricature et iconoclastie, et dans cette histoire il faudrait aussi ajouter plusieurs éléments concernant le développement de la technique d’imprimerie et l’impact des conflits politiques armés pour bien comprendre le déroulement de la Réforme du côté des questions « iconiques » [1]
Pour faire bref : la Réforme chante volontiers, mais ne se représente pas la vérité divine. Cela est frappant dans le film « Max Havelaar of de koffieveilingen der Nederlandsche Handelmaatschappij » de Fons Rademakers (Indonésie et Pays‐Bas, 1976), dans les scènes où la communauté des croyants calvinistes chante de façon sombre, menaçante et pleine de auto‐indulgence religieuse pendant que ses marchands et ses soldats saccagent le monde. Le « pouvoir double » sur terre (c’est la formule de Luther), celui politique du prince et celui spirituel de la communauté des croyants, ne constitue pas l’incarnation, même indirecte, ou la préfiguration, d’un ordre divin. Nous sommes donc très loin des représentations en miroir des formes d’autorité absolutiste chez Hobbes [2]. Dans un premier temps, celui de la première moitié du siècle 1500, un vaste mouvement de contestation et de révolte embrase toute la partie du continent située au nord des Alpes, de Zürich à Malmö. Ce mouvement agraire et urbain est surtout anti‐institutionnel et donc dirigé contre l’église catholique et contre l’empire habsbourgeois. S’il y a une aspiration de type unitaire dans ce mouvement, c’est celui de créer des communautés de croyants. La grande période de ce mouvement est constituée par la « guerre des paysans » et culmine avec la défaite des révolutionnaires autour de Thomas Münzer en 1525. Soutenu par les princes allemands et prototype d’un instrument idéologique, la réforme luthérienne fonctionne finalement comme une contre-révolution, qui culmine à son tour avec les reformes protestantes en Scandinavie introduites par le haut de la part du roi Gustav Vasa de Suède (en 1527) et de Christian III du Danemark (en 1536, après une guerre civile contre Copenhague et Malmö et une guerre paysanne au Jutland).
Les rédacteurs du Jyllands‐Posten l’ont échappé belle. Il faut dire que pendant la séquence de janvier‐février 2015, le nouveau rédacteur en chef de ce journal, Jørn Mikkelsen, n’a rien fait pour vanter les « mérites » de 2005, bien au contraire. Le 9 janvier 2015, à une question d’un journaliste de Information (un important quotidien de Copenhague, issu de la Résistance) sur les raisons de tant de discrétion maintenant, Jørn Mikkelsen a candidement répondu : « C’est très important que le débat sur le droit à l’expression libre ait pu être mis en scène (blevet sat i scene). Et nous y avons apporté notre contribution. » Sous-entendu : « à l’époque » ; et depuis le « débat » marche tout seul. Mais ce débat‐alibi, qu’a-t-il été au juste ? Quelles sont les positions en présence ?
1) La plus importante est la position anti-musulmane, déclinée de façon différente selon le degré d’autocélébration ethnocratique. Cette position postule que la culture et la société danoise ont besoin d’un droit à l’expression sans limites et de type agressif contre l’immigrant venant des pays musulmans ; quand bien même cette culture et cette société feraient montre d’une docilité extrême face à ses propres autorités, de la monarchie au reste de la théocratie locale.
2) La seconde position se veut séculariste et militante. À l’occasion de l’attentat du 14 février 2015 contre la rencontre à Krudttønden, elle a exigé un accroissement de l’état d’exception avec la revendication suivante : « élargissement de l’attribution des moyens requis pour un état concret de type exceptionnel ». J’ai l’impression que la presse française a surtout traduit et publié les « expressionnistes » danois modérés. En voici donc un des radicaux, l’écrivain Jens‐Martin Eriksen. Je viens de citer de son article « On doit banaliser le tabou » dans Information du 18 février 2015. C’est lui qui appelle à développer « les appareils de violence de l’État » (statens voldsapparater) pour « faire disparaître les menaces contre la liberté d’expression ». Et le « tabou » du titre de l’article est évidemment l’image du prophète des musulmans, qu’il faut « banaliser » par le biais d’une reproduction constante dans les journaux. Cette position est formulée seulement 2 mois après le « Noël des tortures » dans la presse scandinave et allemande. Voir le numéro 51 du 15 décembre 2014 de Der Spiegel ayant pour thème « Die dunkle Seite der Macht – Wie Amerika seine Werte verlor » [La face obscure du pouvoir – Comment l’Amérique a perdu ses valeurs].
Et l’hebdomadaire allemand comme le reste de la presse critique ne se sont pas privés de souligner le lien étroit entre état d’exception instauré de façon démocratique et emploi « élargi » de la torture... Alors que la droite libérale et l’extrême-droite sont très à l’écoute de la première position – appelons‐la « il faut humilier l’immigrant pour l’intégrer correctement dans la société » –, la seconde position convient fort bien au gouvernement social‐démocrate travaillant à augmenter ses moyens de contrôle sur les communications téléphoniques. Le premier résultat concret de ces positionnements a été une limitation draconienne du nombre des réfugiés acceptés venant de la Syrie. Rien à voir donc avec l’affaire Charlie Hebdo ou avec Krudttønden, mais tout à fait conforme à la logique du débat danois.
3) La troisième position est très minoritaire, mais défendue par des personnalités d’une haute valeur morale comme l’ancien directeur du PEN danois, Niels Barfoed, dont l’activité date des discussions autour des accords d’Helsinki. Il a en effet été très mal vu par les partisans des positions 1 et 2, que le PEN danois ne considère pas leur campagne pour la défense de la « liberté d’expression » comme une initiative de bonne foi. La question que Niels Barfoed a posée aux partisans de la liberté d’expression à outrance est très simple : puisqu’il n’y a pas de pouvoir totalitaire au Danemark ou dans ses parages, et puisque tous les partis du Parlement danois soutiennent l’idéologie d’une liberté d’expression politique sans limite, quel est le but de cette campagne de dessins anti-musulmans ?
Selon une hypothèse simple, on peut considérer cette campagne comme un expédient politique pour augmenter la possibilité d’instrumentaliser et donc de diriger le consensus conformiste et démocratique en place. Mais il y a aussi une hypothèse plus complexe, ou plus biopolitique, selon laquelle la campagne contre une certaine iconophobie religieuse doit être considérée comme un discours d’exclusion ; l’exclusion permanente étant le seul moyen de maintenir et stabiliser une ethnocratie sans programme positif universel : l’ethnocratie danoise a simplement besoin d’ennemis pour se maintenir. La première hypothèse découvrirait donc un projet machiavélique, et la seconde un projet schmittien. Le premier projet est politiquement classique et vise le pouvoir ; le second projet prépare l’opinion à une option d’anthropologie négative : l’extermination de l’ennemi‐migrant.
[1] Il y a beaucoup d’exemples de la caricature théologico‐politique pendant les guerres et les conflits religieux liés à la Réforme dans le livre de A. G. Dickens, Reformation and Society in Sixteenth‐Century Europe, Thames and Hudson, London, 1966 (Dickens est cependant férocement contre les protestants révolutionnaires). Pour le différend iconique pendant ces conflits voir le magnifique livre de Norbert Schnitzler, Ikonoklasmus – Bildersturm. Theologischer Bilderstreit und ikonoklastisches Handeln während des 15. und 16. Jahrhunderts, Wilhelm Fink Verlag, München, 1996. Pour les enjeux philosophiques et la portée révolutionnaire des paysans en révolte voir le Thomas Münzer de Ernst Bloch, 10/18, Paris 1975. Traduction française de Maurice de Gandillac. ‐- Et bien‐sûr le livre classique de Engels sur la guerre des paysans..
[2] Pour cette reconstruction baroque du pouvoir absolu sur terre comme représentation de la part de ses subalternes et comme miroir institutionnel de la trinité, voir mon article « La communauté artificielle », in Else Marie Bukdahl et Carsten Juhl (éd.), Puissance du baroque – Les forces, les formes, les rationalités, Galilée, Paris 1996, pp.77‐90, surtout les deux schémas p.82 et p.88.