Contre l’Etat islamique, l’armée active une cellule de contre-propagande

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Face à la redoutable influence exercée par le groupe Etat islamique (EI) dans les esprits occidentaux, certaines ripostes sont bien visibles, telle la campagne gouvernementale française #stop-djihadisme, une vidéo choc destinée à dissuader les candidats au djihad.

Cette guerre d’influence a aussi son bras armé, beaucoup plus discret. Selon les informations du Monde, l’armée française vient de mettre en place une cellule de contre-propagande sur le Net. Une cinquantaine de spécialistes militaires doivent composer cette force anti-EI.

C’est le Centre interarmées d’actions dans l’environnement (CIAE), créé en 2012 à Lyon, qui abrite cette nouvelle arme. Les traditionnelles « opérations civilo-militaires » et les opérations d’influence sont déjà de son ressort. Quelque 150 militaires y travaillent, dont une partie part avec l’armée sur les terrains extérieurs, au Sahel notamment. Selon les textes officiels, le CIAE « contribue à la planification stratégique, opérative et tactique des actions sur les perceptions et l’environnement opérationnel ».

« Communication planétaire »

L’activité du centre a été réorientée vers l’EI depuis le lancement de l’opération de frappes aériennes « Chammal », en Irak, le 19 septembre 2014. La cellule de contre-propagande monte en charge, avec une priorité : les jeunes séduits par la communication djihadiste, potentiels candidats au départ pour combattre en Syrie, en Irak ou ailleurs.

Les armées constatent que l’EI maîtrise parfaitement le « métier » de la propagande par le biais d’Internet. Mais aussi que cette propagande est une arme en soi pour le groupe. Pensée de façon centralisée, elle se déploie distinctement des attaques informatiques émanant des hackeurs musulmans du monde entier.

« On a abandonné le champ des perceptions aux terroristes. L’EI a une stratégie de communication planétaire, et nous, nous en sommes encore à la presse quotidienne régionale. Il faut un projet construit », expliquait il y a quelques mois au Monde une source militaire de haut niveau à Paris. « Nous devons être capables de saturer les médias, de dénier des accès à l’EI », ajoutait cette source, en soulignant que la décision d’utiliser ce type de moyens appartenait au plus haut niveau de l’Etat.

Face à l’Etat islamique, l’armée française renoue ainsi avec des pratiques ultrasensibles. L’expérience en la matière est douloureuse : les dernières opérations de contre-propagande massive ont été déployées pendant la guerre d’Algérie.

Surveillance à grande échelle

Les « psy-ops », les opérations psychologiques classiques ont un prolongement normal dans le cyberespace. Face à des outils tels que le magazine en ligne de l’Etat islamique, Dar Al-Islam, apparu le 15 décembre, en langue française, la « task force » pourra revendiquer des publications équivalentes. L’état-major américain a précédé l’armée française en signant le site Magharebia.com. Un (tout) petit aperçu de ses investissements en ce domaine.

Mais au-delà, tous les moyens sont imaginables en matière de contre-propagande. Les missions de la nouvelle « task force » sont d’anticiper les campagnes du groupe djihadiste, de cibler ses agents recruteurs et ses relais d’influence. Mais aussi de riposter de façon immédiate par la diffusion d’images et de messages. Pour cela, les militaires se serviront d’avatars sur les réseaux sociaux, feront de la surveillance à grande échelle, s’entoureront de psychologues pour toucher le public-cible de l’Etat islamique…

L’armée a défini une doctrine générale en matière d’influence, avant l’apparition de l’EI. Publié en 2005, actualisé en 2008, le « Concept interarmées des opérations d’information », document intitulé PIA-03-152, distingue quatre types d’« infos-cibles » dans les actions de guérilla : « les non-engagés indécis », « les sympathisants passifs et hostiles aux opérations des forces amies », les « forces militaires ennemies », et les « sympathisants résistants » engagés directement contre les forces amies.

« Gagner les cœurs et les esprits »

A l’OTAN, la définition des opérations de propagande figure, comme celle des « psy-ops », dans le document AJP 3.10.1 de 2007. Aujourd’hui, la question aurait besoin d’être précisée, car, par sa nature coercitive, la propagande suscite « de nombreuses réactions y compris au sein d’une alliance militaire comme l’OTAN », soulignent les auteurs de Cyberguerre et guerre de l’information, un ouvrage paru en 2010 sous la coordination de Daniel Ventre. Ils notent : « L’objet de ces actions est en effet de porter délibérément atteinte au libre arbitre individuel ou collectif par la dégradation et la falsification de l’information », une arme que les démocraties ne peuvent manier sans risque contrairement à certains de leurs ennemis.

En Afghanistan, la France avait partagé avec les Etats-Unis l’emploi de techniques d’influence censées « gagner les cœurs et les esprits ». Les résultats de ces opérations restent difficiles à mesurer, et l’influence est toujours restée un parent pauvre dans l’armée française.

La lutte contre le djihadisme change la donne, tandis que la « quatrième armée », celle du cyber, se construit. La loi de programmation militaire 2014-2019 lui attribue 1 milliard d’euros. Sans compter les services de renseignement de la défense, elle mobilisera 1 200 personnes sur la protection des systèmes, 400 dans les états-majors et 400 à la Direction générale de l’armement pour la technique. Le volume consacré à la partie offensive est maintenu secret.

 
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