Selon Laurent Alexandre, Google est le premier embryon d'intelligence artificielle au monde. (Reuters)
Laurent Alexandre est une personnalité atypique dont l'expertise est écoutée. Chirurgien urologue de formation, diplômé de l'ENA, HEC et Sciences-Po, cofondateur de Doctissimo.fr, il préside désormais la société de séquençage de génome DNA Vision. Ce "cerveau" s'intéresse "aux bouleversements qu'entraîneront pour l'humanité les progrès de la science, de la technomédecine et des biotechnologies". Il y a consacré un essai remarqué intitulé La Mort de la mort dans lequel il affirme que "l'homme qui vivra 1.000 ans est déjà né".
Google est le premier embryon d'intelligence artificielle au monde, selon vous. Pourquoi?
L'objectif des dirigeants de Google est de transformer leur moteur de recherche en intelligence artificielle. Progressivement ils s'en rapprochent. En fait, personne ne l'a vu venir, ni les utilisateurs quotidiens du moteur de recherche, ni ses concurrents. Il a fallu du temps pour que la stratégie des dirigeants de Google soit comprise. Je suis bluffé par la vitesse à laquelle cette société contrôle les industries clés du XXIe siècle.
Expliquez-vous…
Regardez la vague de rachats de start-up et de sociétés auxquels Google procède! En deux ans, cette entreprise a réussi à préempter trois marchés clés. Celui de la lutte contre la mort : elle a créé Calico, une filiale qui a cet objectif fou d'augmenter l'espérance de vie de vingt ans d'ici à 2035. Elle a investi dans le séquençage ADN avec sa filiale 23andMe, mais aussi dans un projet de lentilles intelligentes pour les diabétiques, qui mesurent en temps réel votre glycémie. Parallèlement et en moins d'un an, Google a racheté les huit principales sociétés de robotique. Dont Boston Dynamics, qui crée le chien robot "BigDog" pour l'armée américaine, ou Nest, leader mondial de la domotique et des objets intelligents… Pendant ce temps, sa Google Car, un mélange incroyable de robotique et d'intelligence artificielle, roule seule sur des milliers de kilomètres sur les routes de Californie sans accident. Si en l'an 2000 vous évoquiez l'idée d'une voiture robot autonome, tout le monde riait! En 2025, elle sera démocratisée. Enfin, depuis quelques années, Google débauche les plus grands noms de l'intelligence artificielle. Comme Ray Kurzweil, le "pape" du transhumanisme, qui vient d'être nommé ingénieur en chef du moteur de recherche.
«Google maîtrise toutes les technologies qui sous-tendent le transhumanisme»
Quel est le lien entre l'idéologie "transhumaniste" et Google?
Cette idéologie est née dans les années 1950. Elle considère légitime d'utiliser tous les moyens technologiques et scientifiques pour augmenter les capacités de l'homme – son corps, son cerveau, son ADN – et pour faire reculer la mort. À l'époque, c'était de la science-fiction ; aujourd'hui cela devient concret. Google soutient cette idéologie et maîtrise toutes les technologies qui la sous-tendent : la robotique, l'informatique, les moteurs de recherche et l'intelligence artificielle, les nanobiotechnologies, le séquençage ADN dont le coût a été divisé par 3 millions en dix ans…
Quel est le but de cette croissance tentaculaire?
Une société qui maîtrise l'intelligence artificielle – et Google est la plus avancée sur ce terrain –peut potentiellement entrer dans n'importe quel domaine. Elle le fait d'ailleurs : elle est même présente dans les VTC qui concurrencent les taxis avec Uber, une filiale de Google Ventures! En réalité, Google est beaucoup plus qu'une société informatique. Les principaux acteurs de la robotique viennent de le comprendre ; mais trop tard, Google a déjà racheté les meilleurs d'entre eux à bon prix. Cette stratégie est bluffante… Google a été la première à comprendre la puissance de la révolution des technologies NBIC, cette convergence de quatre vagues (nanotechnologies, bio-ingénierie, informatique et cognitique) qui va construire le XXIe siècle et donner une puissance extraordinaire à la lutte contre la mort. Car ces technologies NBIC constituent en réalité une seule et immense industrie, qui contrôlera toutes les autres.
Aucun concurrent de taille pour ébranler ce géant?
Si les rumeurs assurant qu'Apple débauche les principaux spécialistes de la santé électronique se vérifient, si le projet de montre iWatch consiste bien en un instrument de mesure en continu des variables de santé… alors Apple pourrait peut-être le concurrencer sur l'ensemble des NBIC. Mais il en est encore très, très, très loin.
Qui contrôle Google aujourd'hui?
Personne, en dehors de ses actionnaires. Or il me semble indispensable d'encadrer l'intelligence artificielle au niveau mondial, de poser des garde-fous. Les États-Unis y réfléchissent sérieusement. L'Asie aussi. En Europe? On est largué, on regarde le train passer… Google est une société magnifique. Pourtant, si elle devient leader en matière de lutte contre la mort, d'intelligence artificielle, de robotique, de domotique, de voitures intelligentes, il faudra vraiment réfléchir à la démanteler! Elle pourrait devenir plus puissante que les États.
Le tableau est effrayant… N'est-ce pas trop tard?
Il n'est jamais trop tard. Mais la croissance très rapide des technologies NBIC rend possible ce qui relevait jadis de la science-fiction. La bataille entre le microprocesseur et le neurone a commencé, et l'intelligence artificielle arrive à grands pas. Selon la loi de Moore, la puissance informatique double très rapidement. Le nombre d'opérations réalisées par les plus gros ordinateurs est multiplié par 1.000 tous les dix ans et donc par 1.000.000 en vingt ans. En 1950, un ordinateur effectuait 1.000 opérations par seconde. Aujourd'hui, on atteint 33 millions de milliards d'opérations par seconde. Ce sera 1.000 milliards de milliards en 2029! Autour de 2040 émergeront des machines dotées de la capacité du cerveau humain. Et d'ici à la fin du siècle, elles nous dépasseront en intelligence, ce qui poussera l'homme à vouloir "s'augmenter" par tous les moyens. Imaginez si de tels robots, plus forts que nous, ayant accès à l'intelligence artificielle et à l'impression 3D, connectés et contrôlant Internet, existaient… Leur pouvoir de manipulation serait quasi illimité. Quand "BigDog" aura un fusil d'assaut M16 dans les mains, il vaudra mieux ne pas se promener en forêt!
Posté le 10/02/2014 à 00h49 - Signalez un abus "En fait, personne ne l'a vu venir, ni les utilisateurs quotidiens du moteur de recherche, ni ses concurrents." C'est une blague ? Evidemment que tout le monde le sait, que le labo de recherche Google X est connu depuis longtemps, qu'ils embauchent des linguistes à tour de bras, qu'ils ont un ordinateur quantique, bref, tout le monde sait que Google est et restera notre meilleur assistant personnel pour peu qu'on veuille partager sa vie avec cette société (ce qui sera sans doute encore mon cas tant que Larry Page et Sergei Brin en seront à la tête, j'adore ces visionnaires). Google Now existe depuis pas mal de temps et fait un peu office de prédicteur et rend énormément de services. Chacun place l'information liée à sa vie privée au niveau qu'il souhaite, mais je laisse volontiers mes infos à Google (contacts, géolocalisation, agenda, communications mail, recherches internet, hobbies, goûts, habitudes. Les français ont beaucoup plus de réticence avec ce sujet là que les anglo-saxons. Ils évolueront peut-être un jour... Répondre - 1 réponse
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Posté le 11/02/2014 à 09h32 - Signalez un abus Laurent Alexandre est un visionnaire. J'ai la chance d'avoir lu son roman sur le sujet de Google et du transhumanisme ("Google Démocratie" paru il y a 3 ans). Il expliquait dans ce livre la stratégie de Google avant tout le monde. Répondre - 1 réponse
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Posté le 12/02/2014 à 17h38 - Signalez un abus "Google est une société magnifique. Pourtant, si elle devient leader en matière de lutte contre la mort, d'intelligence artificielle, de robotique, de domotique, de voitures intelligentes, il faudra vraiment réfléchir à la démanteler! Elle pourrait devenir plus puissante que les États." Les Etats sont certes un garde fou, mais enfin ils ne devraient pas être le seul. Il suffit de voir ce qui se passe en terme d'environnement pour se rendre compte que les Etats défendent avant tout leurs intérêts perçus, ceux de leurs citoyens, dans une logique égoïste et de court terme compréhensible mais aux effets pervers sur le long terme - puisqu'il n'y a pas de réelle solution actée, et que cela pénalisera au final les citoyens de ces Etats... Donc si Google, fort de sa capacité technologique et financière, réussit là où les Etats n'ont pas pu ou pas voulu agir, et pour l'ensemble de l'humanité plutôt que pour les ressortissants de tel ou tel pays, il me semblerait criminel et pour tout dire stupide de les "démanteler". Mettre en place une instance de contrôle qui soit suffisamment puissante pour éviter une dérive déontologique, et suffisamment lâche pour éviter de gêner sa créativité et son développement, ce me semble une meilleure solution, bien que complexe peut-être à mettre en oeuvre. Répondre
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Posté le 17/02/2014 à 07h41 - Signalez un abus Google ne va t-il pas devenir pas le fameux "Skynet", personnage informatique doué d' intelligence artificielle dans le film visionnaire de James Cameron, réalisé en 1984 et intitulé "Terminator". Répondre
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Posté le 13/02/2014 à 19h04 - Signalez un abus On parle de démocratisation de toutes ces petites merveilles/monstruosités (rayez la mention inutile) mais il n'a pas été soulevé la question du gouffre qui demeurera à mon avis toujours entre une population à la pointe, qui peut représenter des millions d'individus privilégiés, et les milliards d'autres qui seront privés/préservés (là aussi rayer la mention inutile) de ces innovations. Toute leur science ne permettra pas à gens d'être confrontés à des limites physiques, à des limites de ressources en particulier, qui vont briser leur jolie courbe du progrès. Répondre
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Posté le 11/02/2014 à 21h15 - Signalez un abus Et re pipo... Qui a-t-il de nouveau à ce qu'une firme millardaire aille dans le domaine de l'infinie? Et prétendre que c'est l'origine de la fondation deGoogle est complètement Con , commede croire que Bill Gate à pompé UNIX pour faire des fondations. Seulement il arrive qu'à un niveau tel de richesse, les gens s'en veulent un peu,puis c'est bon pour leurs image. Google et Facebook ou Twitter ne sont pas génants en eux-mêmes mais les collaborations qu'il créeent avec des sites de presse et des états censeurs le sont milles fois plus. Une idée, même crasseuse,se part toujours de vertue avant qu'in se rende compte qu'elle étaitaussi nuisible en fait Répondre
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